Je ferais du shopping ce weekend, tu es coming with?
Cette phrase vous fait sourire ? Ou grincer des dents ? Peut-être les deux. Pourtant, elle illustre parfaitement la réalité linguistique de nombreux francophones au Canada. Entre shopping, weekend et coming with, on passe d’une langue à l’autre sans s’en rendre compte parce que tout est instinctif et naturel.
Et ça soulève une question : est-ce que notre français est en train de disparaître ? Est-ce que l’anglais le « contamine » peu à peu ? Depuis des décennies, les anglicismes sont pointés du doigt comme les symboles d’un français affaibli et en déclin. Mais c’est pas toujours le cas, et le mélange des phrases est un beau phénomène qui reflète les interactions entre les langues. D’une certaine manière, les anglicismes témoignent du fait que le français canadien est une langue vivante et respirée par les gens.
Sissi est une lycéenne à Vancouver, au Canada, qui n'est pas inscrite dans un programme d'immersion en français, car celui-ci n'existe pas dans son école. Elle aime apprendre les langues et les baguettes. |
Les langues se transforment au fil du temps, surtout quand elles cohabitent. Le français au Canada est en contact direct avec l’anglais depuis des siècles. Il est donc tout à fait naturel qu’ils s’influencent mutuellement.
Mutuellement? Oui, c'est vrai. L'anglais canadien comporte également de nombreux emprunts au français dans son lexique.
Certains mots empruntés au français canadien ont même acquis un statut officiel dans le discours gouvernemental ou administratif. On peut penser à régime, gendarme, dossier, ou arrêt, qui apparaissent dans les documents officiels ou dans les panneaux de signalisation au Canada anglophone. D'autres, comme poutine, terrace, ou rendez-vous, sont entrés dans la culture populaire internationale, sans perdre leur saveur d’origine.
Ce partage ne devrait pas être vu comme une menace, mais comme une preuve de vitalité. Car une langue figée est une langue qui meurt. Une langue vivante, au contraire, est une langue qui s’adapte. C’est une langue qui respire.
Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas préserver le français. Il est essentiel de continuer à enseigner, écrire, et valoriser notre langue dans toute sa richesse. Mais cela peut se faire sans peur, et sans rejet automatique des emprunts. Il est possible d’accueillir les influences extérieures tout en cultivant ses propres racines.
Peut-être les puristes s’insurgent parfois : « Ce n’est pas du bon français ! » Mais cette idée d’un français “pur” est un mirage. Le français parlé au Québec n'est pas le même qu'en Belgique, au Sénégal ou en France. Prenons l’exemple de fleur utilisé au Québec pour désigner de la farine (comme dans fleur de farine). Ce mot existait en vieux français, a été emprunté par l’anglais (flour)… mais a disparu en France. Ici, il a survécu. Le français canadien n’a donc pas été influencé par l’anglais dans ce cas, c’est même plutôt l’inverse !
Mais, le français québécois n'en reste pas moins français qu’un autre dialecte. Ce qui compte, ce n’est pas de figer la langue, mais de la faire vivre dans le contexte où elle se trouve. Ce sont les interactions qui donnent naissance à des créations, des expressions uniques.
Alors, la prochaine fois que vous direz : « Je ferais du shopping ce weekend, tu es coming with ? » ne soyez pas embarrassés. Voyez-y plutôt la trace des langues qui séparer et relier deux mondes. Ils racontent une histoire des personnes bilingues, curieuses, et résolument contemporaines.
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