La pandémie demeure le centre de l'attention dans plusieurs maisons et sur plusieurs chaînes à la télévision. De la quarantaine et du port obligatoire de masques, aux rassemblements découragés ou interdits, des restrictions strictes, jusqu'aux plans complexes de vaccination, cette crise continue de dominer nos vies interrompues. Qu’en est-il alors des autres crises globales qui ne sont pas discutées? Qu’en est-il, par exemple, de la crise à Madagascar?
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Biographie de l’auteure : Irham Khimji est une étudiante au Canada qui est passionnée et curieuse. Elle adore explorer l’intersection des sciences et des technologies, ainsi que la loi, les finances et les affaires. Durant son temps libre, Irham aime lire et écrire en français comme en anglais à propos des causes qui la passionnent. Elle aime aussi apprendre des langues comme la turque et bien sûr le français! |
Quand les changements climatiques provoquent la famine
Depuis quelques mois, la famine domine la quatrième plus grande île du monde : Madagascar. Les changements climatiques laissent ce pays sans pluie pendant plusieurs mois, ce qui a énormément réduit ses récoltes et a fait monter le taux de pauvreté. Maintenant, Madagascar affronte non seulement la COVID-19 qui se propage rapidement, mais aussi un manque de nourriture qui mène à la mort de plusieurs jeunes enfants. Selon les Nations Unis, cette sécheresse affecte plus de 1,5 million de Malgaches, les privant des récoltes qu’ils cultivent normalement pour à consommer ou à vendre pour survivre.
La sécheresse actuelle est la pire que Madagascar ait vécue depuis plus de 40 ans. Selon le Famine Early Warning System Network, environ 76% de la population comptent sur la nourriture sauvage comme des feuilles et des termites pour satisfaire leur faim et survivre pour voir un autre lever de soleil. Des photos et vidéos prises par l’équipe de France 24 montre des enfants mal nourris qui courent les rues à la recherche d'eau et de nourriture. Julie Reversé, un coordinatrice d’urgence travaillant pour Médecins Sans Frontière a annoncé que « sans pluie, ils ne pourront pas retourner au champs et nourrir leurs familles. Certains n'hésitent pas à dire que c’est la mort qui les attend si la situation ne change pas. »
La malnutrition aiguë qui se répend
Avec une grande partie des citoyens de l’île qui gagnent leur vie comme fermier.ère.s, le chômage de masse causé par la pandémie ainsi que la famine force les familles à tout vendre en espoir de survivre. Sans riz ou manioc à cultiver, les citoyens demandent l’aide de leur gouvernement. Depuis 2020, le gouvernement de Madagascar a joint ses forces à celles du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies pour distribuer régulièrement de la nourriture auprès d’environ 750 000 personnes. Le gouvernement travaille aussi avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture pour aider un peu plus de 20 000 familles de fermier.ère.s à retrouver leur gagne-pain en leur offrant des grains de légumes à croissance rapide et des formations d’adaptation agricole stratégique en temps de sécheresse.
Les enfants ont beaucoup souffert de ce manque de pluie et de nourriture, avec plus de 16,5% des enfants sous l'âge de 5 ans qui souffrent de malnutrition aiguë globale, selon le Ministère de la santé publique de Madagascar. La malnutrition aiguë globale (MAG) est un symptôme sévère d’insécurité alimentaire qui s’exprime par l’extrême minceur des individus, voire l'oedème, et qui témoigne de la sévérité d’une crise humanitaire. Un enfant qui souffre de (MAG) pèse moins de 80% du poids médian pour un enfant en santé de la même âge et de la même grandeur. La pandémie empire la situation, car elle limite l’accès aux marchés étrangers que pourraient normalement avoir Madagascar.
Plusieurs organisations humanitaires comme le Programme alimentaire mondial demandent de l’aide à l’internationale, surtout avec les échos des cris qui résonnent à Madagascar. « Cette année, on n'a rien à manger. Nous dépendons de la providence de Dieu pour notre survie. On demande aussi au gouvernement de nous assister. Sinon, on meurt. » Ce sont les mots de Jean-Louis Tovosoa, père d’une famille de 15 enfants, rapportés par le Guardian.
Les médias et l'indifférence internationale
Donc pourquoi le monde n’est-il pas au courant de ceci? Plusieurs crises globales ont tendance à passer sous le radar à cause d’une couverture inégale par les médias, tendance qui semble s’empirer. Chaque année, CARE, une organisation internationale d’aide dédiée à sauver des vies et à éliminer la pauvreté, effectue une analyse et crée une liste des 10 crises humanitaires mondiales les moins couvertes par les médias. Avec la situation à Madagascar en cinquième place en 2020, c’est clair que la famine n’est pas mise à l’avant par les médias. L’analyse de CARE est basée sur la couverture médiatique en ligne dans cinq différentes langues et ses reports montrent une tendance inquiétante de crises qui sont négligées d’année en année.
Avec l’apparition de Madagascar sur la liste annuelle de CARE quatre fois déjà, c’est clair que les inégalités dans les médias existaient bien avant la pandémie. De plus, selon Lola Castro, la directrice régionale du sud de l'Afrique de sud et des États de l’océan indien du Programme alimentaire mondial, l’insécurité alimentaire y a augmenté dramatiquement. Entre juillet 2020 et novembre 2020, le nombre de gens qui font face à l'insécurité alimentaire a augmenté de 700 000 à 1,3 million dans la région Grand Sud de Madagascar. Pour plusieurs, cette pandémie est le centre de leur vie, mais pour d’autres c’est simplement une autre crise qui s’ajoute à la longue liste de catastrophes auxquelles ils et elles font face.
Un besoin d’aide criant
Au cours des six prochains mois, le Programme alimentaire mondial espère rassembler 74 millions de dollars américains pour aider à mettre fin à la crise à Madagascar. Cet argent sera utilisé pour nourrir la population souffrante, avec environ 45 $ pour nourrir une famille de cinq chaque mois. Cependant, avant que la population mondiale puisse contribuer et aider Madagascar, elle doit être consciente de ce type de crises humanitaires. Comme Delphine Pinault, représente des Nations Unies et coordinatrice de CARE a très bien dit : « La COVID-19 nous a montré que des crises humanitaire peuvent survenir n’importe où, mais pour plusieurs gens […] la COVID-19 n’est qu’une autre menace à laquelle ils et elles doivent faire face. Nous devons cesser d’être silencieux et silencieuses alors que le monde ignore des crises qui ont commencé bien avant le COVID-19 et qui n’ont pas encore été abordées. »
Malgré les temps difficiles qui courent, plusieurs organisations humanitaires comme CARE et le PAM continuent d’envoyer du soutien à Madagascar et plusieurs autres pays souffrants. Rappelons que Madagascar n’est pas le seul pays à vivre une catastrophe dans le silence, sans recevoir de couverture médiatique adéquate. Du conflit en Ukraine à la pauvreté extrême au Burundi, trop de crises ne sont que très peu racontées. Les ONGs intervenantes nous demandent donc notre aide. Nous ne sommes pas des gouvernements de pays riches, mais nous sommes des citoyens du monde et nous pouvons faire notre part pour informer les gens autour de nous le mieux possible, les sensibiliser à l’égard de ces crises et contribuer à ce que cesse cette souffrance péniblement silencieuse.